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L'arrêté pris pour l’application de l'article 6, VI quater de la loi n° 2020 289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 vient d’être publié1. Pour mémoire, aux termes de cet article, il est prévu que la garantie de l'État puisse bénéficier aux opérations de cession de créances professionnelles régies par les articles L. 313-23 à L. 313-34 du Code monétaire et financier réalisées entre le 1er août et le 31 décembre 2020 et dont la date d’échéance finale correspondant à la date de facturation desdites créances est antérieure au 30 juin 2021. Seule condition : les créances professionnelles ainsi cédées doivent résulter de « commandes confirmées » par le cédant. L’objectif est clair : permettre aux acteurs économiques de bénéficier d’un financement adossé à des créances futures pendant la phase de production et livraison à compter de la confirmation de la commande. Prévu par la loi de finances rectificative, le dispositif soulevait un certain nombre d’interrogations. L’Arrêté, qui prévoit un dispositif technique, apporte des précisions bienvenues.

Peu d’innovations sont à relever en ce qui concerne la nature des parties impliquées dans le financement, la rémunération due au titre de la garantie ou encore ses conditions d’octroi ou d’appel en ce que le régime de la garantie sur ces points emprunte largement au régime prévu pour les garanties PGE. Peuvent ainsi bénéficier de la garantie, sur notification à Bpifrance, les établissements de crédits et sociétés de financement qui mettent à la disposition d’acteurs économiques identiques à ceux pouvant bénéficier d’un prêt garanti par l’État des fonds au titre de certaines créances professionnelles futures que ces derniers leur céderont entre le 1er août et le 31 décembre 2020. La garantie couvre le financement apporté par le cessionnaire au cédant et le recours que le premier a contre le second pendant toute la période de production entre la date de confirmation de la commande (qui ne peut être postérieure au 31 décembre 2020) et la date de facturation (qui ne peut être postérieure au 30 juin 2021). Contrairement aux garanties PGE PME/ETI, le financement peut être mis à disposition du cédant en plusieurs fois.

Comme pour les garanties PGE, les établissements de crédits et sociétés de financement devront conclure un acte d’adhésion avec Bpifrance auquel seront annexées les conditions générales de la garantie. Les échanges entre Bpi et les cessionnaires se feront par échange de fichiers informatiques.

Contrairement aux garanties PGE sur prêt, aucune distinction n’est opérée entre les grandes entreprises et les PME/ETI, la garantie sera la même pour tous. Seul le pourcentage de couverture et le prix de la garantie varient en fonction de la taille de l’entreprise. Est couvert par la garantie un pourcentage – compris entre 70% et 90% selon le chiffre d’affaires et, pour les entreprises qui emploient moins de 5 000 salariés, l’effectif du cédant concerné – des sommes restant dues par le cédant au cessionnaire au titre du financement et des intérêts et accessoires y relatifs.

La garantie est rémunérée par une commission de 25 ou 50 points de base – selon le chiffre d’affaires et l’effectif du cédant concerné – appliquée au montant maximum du financement au prorata du nombre de mois au cours duquel le financement est en place. Si le coût de cette commission est à la charge du cédant, il revient, comme pour les garanties PGE, au bailleur de fonds de s’acquitter de son paiement en intégralité à la date de notification de la conclusion du financement. La survenance d’un événement de crédit (en ce compris tout impayé) peut donner lieu à une demande, adressée par le cessionnaire à Bpifrance, de paiement d’un versement provisionnel correspondant à une estimation solide du montant de sa perte, lequel versement devra lui être payé dans les 90 jours suivant la date de demande d’obtention, sans préjudice de la possibilité pour le cessionnaire de demander une indemnisation finale, étant précisé que toute demande de mise en jeu de la garantie quelle qu’en soit la nature (versement provisionnel ou indemnisation finale) ne pourra intervenir postérieurement au 30 septembre 2021.

La nature des créances cédées, dont le financement par le factor fait l’objet de la garantie, mérite en revanche de s’y arrêter en ce qu’elle va permettre le financement de créances habituellement non financées dans le cadre d’un affacturage. En effet, seuls font l’objet de la garantie de l’État les financements mis à la disposition du cédant par les factors au titre des commandes qui n’ont fait l’objet, à la date de leur cession au factor, que d’une simple confirmation de la part du cédant. Les créances résultant de ces commandes simplement confirmées mais non encore facturées devront respecter à la fois les critères d’éligibilité imposés par l’Arrêté (en ce compris, notamment, être cédées par l’intermédiaire d’une cession « Dailly » dans les 30 jours de l’émission de la commande et faire l’objet de l’émission d’une facture dans les 6 mois à compter de cette même date) mais également ceux contractuellement fixés avec le factor. A l’inverse, dès lors qu’une commande a fait l’objet d’une facture, la créance qui en résulte ne peut plus faire l’objet d’un financement couvert par la garantie de l’État et devra faire l’objet d’un financement par affacturage « classique ».

Pour bénéficier du financement des commandes confirmées, les entreprises devront avoir conclu un contrat cadre avec le cessionnaire (défini sous le vocable « contrat-type » dans l’Arrêté) ou modifié un contrat existant qui prévoit donc ces deux facilités de financement distinctes et successives, un premier financement de créances futures dès la confirmation de la commande bénéficiant la garantie, et un second à compter de la facturation de ladite commande ne bénéficiant pas de la garantie. Les critères d’éligibilité fixés par l’Arrêté pour pouvoir bénéficier de la garantie doivent être satisfaits à la date d’octroi du financement. L’Arrêté précise justement que les critères d’éligibilité contractuellement prévus entre le cédant et le cessionnaire sont appliqués à la date de cession de la créance et, afin de marquer la fin de la garantie, lors de l’acceptation par le cessionnaire de la facture.

Une telle ségrégation entre créances résultant de simples commandes, dont le financement est couvert par la garantie, et créances résultant de factures dont le financement ne l’est pas est techniquement rendue possible par la mise en place d’une mécanique de comptes classique chez les factors français dont l’origine remonte à l’utilisation de la subrogation comme mode simplifié de transfert de créances. Elle consiste à porter au débit d’un premier compte dit « de commandes financées » le montant du financement octroyé par le factor au titre de toute commande remplissant les critères d’éligibilité légalement et contractuellement prévus. Si, dans les 6 mois de la date « d’émission de la commande », celle-ci fait l’objet d’une facture, le compte de commandes financées est crédité du montant financé au stade de la commande et le compte dit de factures financées est débité d’un montant correspondant au financement octroyé au titre de cette facture, lequel peut donc être différent du montant financé au titre de la commande. À l’inverse, si dans les 7 mois suivants la date d’émission de la commande, aucune facture n’a été émise, le cédant devra rembourser les sommes ainsi financées au stade de la commande non transformée. Si le cédant ne rembourse pas le financement, le cessionnaire pourra alors appeler la garantie. Si le risque de non-paiement par un débiteur d’une créance financée au titre d’une facture ne bénéficie plus de la garantie de l’État, il pourra en revanche tout à fait faire l’objet des garanties traditionnellement rencontrées sur les financements de créances en particulier d’une assurance-crédit ou d’une sureté sur les comptes de recouvrement lorsque les cessions ne sont pas notifiées aux débiteurs cédés.

Pour les besoins de la détermination du montant indemnisable en cas de survenance d’un événement de crédit, toute somme portée au débit du compte de commandes financées sera compensée avec toute somme portée au crédit du compte de factures financées, quand bien même les sommes portées au crédit de ce compte relèveraient de sommes mise à la disposition du cédant au titre de créances cédées au titre de facture n’ayant jamais fait l’objet d’un financement couvert par la garantie de l’État.

A noter enfin que, comme pour les garanties PGE, les commissions de garantie qui seront perçues par l’Etat lui resteront acquises quelle que soit l'issue du financement y compris lorsqu'il fait l'objet d'un remboursement anticipé ou encore que la garantie ne peut pas être appelée pour défaut de respect des critères d’exigibilité à la date d'octroi du financement. En outre, si les éléments utilisés par le cessionnaire, pour connaître la quotité et le montant de la commission de la garantie, s'avèrent erronés, il conservera bien le bénéfice de la garantie, mais dans la limite de la quotité découlant de l'application du présent Arrêté à la situation vérifiée du cédant, et devra régulariser le versement des commissions de garantie.

Comme pour les garanties PGE, l’Arrêté permet aux cessionnaires de conclure des accord de sous-participation en risque ou en trésorerie leur permettant de se refinancer en tout ou partie et leur permet également de céder leurs droit à des entités de leur groupe. Il permet également aux cessionnaires de mobiliser les créances financées, y compris par l’intermédiaire d’un organisme de titrisation, dans le cadre de ses refinancement auprès de la BCE. En revanche, comme pour les garanties PGE, la cession de tout ou partie du financement ou des créances cédées entraine la déchéance de la garantie au prorata du financement ou des créances cédées.

Le dispositif est désormais complet. Les dernières éventuelles interrogations devraient être dissipées, à la faveur de la publication par le Trésor d’une nouvelle foire aux questions relative à ce dispositif.


[1]       Arrêté du 4 septembre 2020 accordant la garantie de l’État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application du VI quater de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 - J.O. 8 septembre 2020 (ci-après l’ « Arrêté »)

 

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